Biographie d'Alexandre Chodzko-Boreϊko

Traduction du russe en français par Barbara Frei-Chodźko de la biographie mise en ligne sur le blog
"PAYKHAS: Turkmen's Club of intellectual Collaborations ".
Chodzko: réf. édition du deuxième volume du Dictionnaire Historique

Alexandre (Olès) Leonardovitch Chodzko-Boreϊko (1804-1891)

est né le 30 août 1804 dans les terres de Krivitch, district de Minsk, dans une famille de propriétaires terriens. Le père du futur orientaliste avait en Biélorussie et Lituanie une réputation d’intellectuel et littéraire et écrivait, comme c’était la coutume dans les milieux cultivées de ces régions, en langue polonaise. Alexandre Chodzko reçut une très bonne éducation à domicile, apprit plusieurs langues étrangères et profitait de la très riche bibliothèque paternelle. Puis il faisait ses études à Vilnius, d’abord au lycée, puis à la faculté de philologie de l’université, un des meilleurs établissements d’enseignement de l’époque.
Chodzko participait aux activités des sociétés semi-légales de la jeunesse de Vilnius (« Les Rayonnants », « Les Philomates » et autres) qui incarnaient, sous un manteau conspiratif, une sorte de transition de l‘action philosophique vers un combat politique organisé et dirigé contre le tsarisme.

Après le démantèlement de ces sociétés par les autorités, A. Chodzko – de l’automne 1823 au printemps 1824 – devenait, comme certains de ses camarades (parmi eux Adam Mickiewicz), l’objet d’une enquête judiciaire .Pourtant, les activités conspiratives ayant été abandonnées, A. Chodzko ne pouvait être convaincu de crime (comme d’ailleurs la plupart des inculpés). Le jeune homme put terminer ses études universitaires le 16 avril 1828. Après cela, il entra au Département d’Enseignement de Langues Vivantes près de la Section Asiatique du Ministère des Affaires Etrangères à Saint Petersbourg. Ce département était chargé de préparer les chargés de mission russes en Turquie et en Iran à leur tâche.

Pendant ses études à Vilnius A. Chodzko acquit une renommée comme poète qui, dans les milieux littéraires de la jeunesse, défendait les idéaux du romantisme, mais parmi ces idéaux prévalait déjà la fascination pour l’orient. A. Chodzko était un ami proche des poètes Mickiewicz et Slowacki. A ce dernier il inspira le sujet du drame « Balladyna », ce sujet étant aussi à l’origine de la ballade « Malina » d’Alexandre Chodzko, écrite d’après les motifs de la chanson biélorusse « Eh, là-haut sur la montagne ».
Le 1er janvier 1830 A. Chodzko fut envoyé en tant que traducteur à la légation russe en Iran. Selon C. Korvine, A. Chodzko serait allé en Iran en passant par la Syrie. Il s’agit là d’un malentendu, car A. Chodzko a lui-même publié un démenti dans un de ses articles. Passant d’abord par Astrakhan, puis par Bakou, le jeune diplomate poursuivit son voyage jusqu’à son lieu de destination. De ses récits de voyage, six furent publiés dans un journal de la capitale, dont quatre – dans la traduction de B. Ljoubitch-Romanovitch – dans la Gazette Littéraire.

En Iran, Alexandre Chodzko occupait successivement les fonctions de traducteur-interprète auprès du consulat de Tabriz (à partir du 26 mars 1932), de secrétaire général du consul (à partir du 13 novembre 1833, toujours à Tabriz) et de consul à Rasht, le centre administratif de la province de Ghilan (à partir du 14 août 1934). La nature de ses activités l’obligeait à de fréquents déplacements à travers l’Iran. Ses récits de voyage permettent de suivre les itinéraires de plusieurs de ces déplacements et d’en connaître les résultats.
En 1832, A. Chodzko quitta Téhéran pour aller au Ghilan, l’année suivante il alla au Khorasan, et du 18 au 22 février 1835 dans les gorges de la rivière Serdar (Khabliroud). En 1836, il entreprit un voyage à travers le Masandaran, et en été 1839 dans les montagnes de Roudbari-Zeitoun (province de Ghilan).

Le 29 avril 1841 Alexandre Chodzko quitta l’Iran pour un séjour de repos dans le « midi de l’Europe ». Après avoir visité la Grèce, l’Italie et l’Angleterre, il alla à Paris où il rencontra ses compatriotes qui avaient été forcés de quitter leur patrie après la répression de l’insurrection de 1830-1831. Il renouvela son amitié avec Mickiewicz, démissionna du service diplomatique et s’installa à Paris. Pendant quelques années, A. Chodzko tomba – tout comme Mickiewicz – sous l’influence de la doctrine mystique du philosophe A. Tovianski. Sous l’impression de l’idéologie de Tovianski, il transmit en août 1844 à l’ambassade russe en France un appel à Nicolas Ier lui demandant de participer au « projet sacré » d’une union de tous les peuples slaves.

Libéré de l’influence de Tovianski, A. Chodzko aida Mickiewicz à éditer le journal «Tribune du Peuple» autour duquel de réunissaient les émigrés démocrates de divers pays, et publia ses journaux et récits dans ce journal. De 1852 à 1855, A. Chodzko était attaché au Ministère français des Affaires Etrangères, mais ne rompait pas pour autant ses liens avec l’Orient. A partir de 1857 et pendant plusieurs années, il dirigeait l’enseignement de jeunes Iraniens.
Il tenta en vain d’obtenir le poste de professeur de langue perse á l’Ecole des Langues Orientales à Paris. De 1857 à 1883, il enseignait langues et littérature slaves à l’université parisienne « Collège de France ». Alexandre Chodzko mourut en décembre 1891 à Noisy-le-Sec (banlieue de Paris) et fut enterré au cimetière de Montmorency (aujourd’hui à 20 km de Paris).

Grâce à son accès immédiat aux sources, A. Chodzko put publier toute une série de travaux sur la linguistique, le folklore et l’ethnographie des populations du littoral sud de la mer Caspienne. B. Geiger et Kuhn rendirent hommage à A. Chodzko pour cette démarche. Un des premiers en Europe, il attira l’attention sur les langues talish, mazanderani et ghilani et décrivit un des dialectes de la langue kurde. Sa « Grammaire Persane » sortit en deux éditions. Ses travaux sur le théâtre iranien comme la publication des textes et chants étaient pratiquement sans précédent en Europe. C’est aussi à la plume d’ Alexandre Chodzko que nous devons la description détaillée, historique et géographique, en langue française traduite en russe, de la province de Ghilan sur la rive sud de la mer Caspienne. C’est par la complexité de son approche que se distingue l’étude approfondie de cette région.

Parmi le matériel rassemblé par Alexandre Chodzko se trouvent des manuscrits qui mettent en lumière les différents aspects de la vie religieuse en Iran. En 1839 il transmit á Blaremberg un manuscrit rare qu’il avait traduit du persan en français : « Koulsoun-nene où comme les femmes perses interprètent le Coran ». En 1848, A. Chodzko publia le texte persan (avec traduction en français et commentaires) du mémoire de l’envoyé iranien en France Mirzi-Mohamed Ali-Khan « Le monoïdéisme des Wahhabites, expliqué par eux-mêmes ». Quatre ans plus tard, le chercheur publia « Desatir, le codex religieux des Mahabadiens » et « Hassan Cebbach et ses partisans légitimistes iraniens ».

Déjà la première grande publication d’Alexandre Chodzko souleva un intérêt considérable: la transcription d’un recueil de poésies originaires des peuples riverains de la mer Caspienne. Elle sortit dans sa traduction anglaise, en 1842 à Londres. Par cet ouvrage, A. Chodzko était parmi les premiers à attirer l’attention sur le folklore turkmène, nogaϊ, azéri, iranien, ghilani, mazanderani, tadish et kalmouk. Avant lui, les orientalistes étudiaient surtout la littérature courtoise écrite par des auteurs issus des classes dominantes. Alexandre Chodzko était un des premiers orientalistes à faire du folklore un sujet de recherche scientifique. Dans son recueil, A. Chodzko publia douze textes poétiques turkmènes. Dix ans après, ces textes parurent - dans une traduction d’ Adolphe Briel - dans un journal parisien.

Le recueil londonien de 1842 est pour une grande partie composé des « Aventures et Improvisations de Kurroglou », un chanteur turkmène de la tribu des Teke et héro d’une légende répandue parmi plus d’une dizaine de peuples d’Asie. Les Chants de Kurroglou furent ensuite deux fois traduits en français, par Georges Sand et Adolphe Briel, puis en allemand par O.L.B. Wolf et en russe par S. Penn. Il faut également souligner l’importance des transcriptions, moins connues dans le monde littéraire, de textes de chants et poésies turkmènes qu’A. Chodzko réalisa à Nardine (dans le nord du Khorasan) en 1833. Les deux premiers textes, « La victoire des Turkmènes Teke » et « Le chant d’Emir-Gouna-Khan après la défaite de Moyoun », racontent le débâcle de l’ilkhan du Khorasan en Kurdistan en 1782 et de la mise en captivité de son fils Réza-Kouli-Khan. Trois de ces textes sont attribués au poète teke Karadjaoglan.

Chodzko intitula les trois textes suivants « Les trois chants du Turkmène Mahtoumkoul ». Le voyageur russe I. F. Blaremberg (à qui A. Chodzko avait confié ses notes pour contribuer à la rédaction de l’ « Aperçu statistique de la Perse, constitué par le lieutenant-colonel Blaremberg en 1841 ») en fit une traduction russe en prose. Parue dans un livre consacré non au Turkménistan, mais à l’Iran, cette publication de Blaremberg n’attira vraisemblablement pas l’attention des chercheurs. Sa valeur consiste dans le fait qu’elle parut 20 ans avant la première publication connue des poésies de Mahtoumkoul en version russe par Bakouline.

37 ans après la première édition des traductions d’Alexandre Chodzko, le savant hongrois A.Vambery publia 31 poèmes et 10 fragments de poèmes de Mahtoumkoul. Les traductions de Vambery qui reflètent pleinement l’œuvre du grand poète turkmène, parurent au moment de l’entrée du Turkménistan dans la sphère d’intérêts culturels des pays européens.
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Traduction du russe en français par Barbara Frei-Chodźko